Le Spar de Wiers se situe entre le bunker irakien et les bâtiments communistes de l’ex U.R.S.S. Un cube étrangement grillagé qui ne laisse entrevoir que de faibles néons blancs sales, dont les horaires sont plus qu’approximatifs et l’enseigne brûlée par le temps. Mais surtout, c’est un centre social actif où les Wierois se rencontrent et retrouvent leurs racines villageoises. Le must du must de l’étude anthropologique. Après une nécessaire préparation psychologique, 3 Yakult et un antihistaminique, le départ est annoncé…
Bien évidemment, l’aventure commence par une pluie battante, histoire de mettre en place un contexte gris et sombre. Après quelques centaines de mètres, à peine éveillé de ma première tasse de café, nous rencontrons une première embûche qui porte le doux nom de « WIERS KUISTAX ». Les rues du bourg prennent donc de faux airs de Blankenberg en novembre, croisés avec un semblant de tour de France où les policiers, parfois improvisés, se chargent de bloquer la circulation pour éviter tout accident malheureux. (Chaque année, en Belgique, 0,4 personne décède d’un accident de Kuistax). Depuis la voiture, on voit passer, trempés, les courageux coureurs dont on se demande si la drogue n’a pas bousillé trop de neurones…
Finalement arrivé à destination, on pénètre alors dans un lieu surmené de l’activité des acheteurs. La foule est bigarrée (et non « bien garée », ce qui n’est vraiment pas le cas). A partir de maintenant, tout peut arriver. Direction boucherie/charcuterie. Un ticket. L’attente, interminable.
-Pamela : Numero 29 !
-Simone :…
-Pamela : 29 !
-Simone : …
-Pamela : Personne le 29 ?
-Simone : …Han ! 29 ! A si, c’est moi…
Les tranches de pâté se découpent avec précaution, le jambon se tranche lentement, le boudin se découpe au millimètre près.
-Germaine : Ca va Pam ?
-Pamela : Oui hein, et toi ?
-Germaine : Bha ça va ! J'ai bien fait de faire mon barb' (comprendre barbecue) hier, hein! t'as vu le temps?
-Pamela: Han, ouais.
-Germaine: Et j'ai eu la réunion de parents, là.
-Pamela : Han, ouais.
-Germaine : oui mais hé, j’en ai eu jusque 6h30, hein. Ce soir là on a mangé qu’il était passé 7h30. Mais après Yvon, il ne digère pas bien.
-Pamela : Han, ça…
-Germaine : Et il me faut aller chercher du Motilium, il n’en a plus !
-...
Et si on en parlait ? Si on prenait le temps de s’asseoir, ce dimanche matin, à 11h40, devant l’étalage de côtes de porcs, de saucisson de jambon et de salade de viande, pour discuter de nos problèmes digestifs ? Et comme pour mieux surenchérir :
-Pamela : Je te mets du salami à l’ail ?
-Germaine : mon dieu, non ! Parce que l’ail … ça me revient !
On assiste alors à la déconvenue de Daniel lorsqu’il drague en vain Pamela, aux engueulades sans fin des six enfants d’une famille nombreuse, à la toux racleuse et grasse des petits vieux enrhumés. C’est lorsqu’on arrive à la caisse qu’on commence à souffler en se disant que le plus dur est passé. Mais bien sûr :
-Charlotte : Mho, il n’a pas de prix sur les bas
-Yvette : Han ?
-Charlotte, inspectant la boite : Mais non…
-Yvette : Je ne sais pas moi… ils étaient là-bas, ainsi...
-Charlotte : MAAAARRTIIIIIIIIIIIINNNNEEE !! C’est combien les bas ?
11h57, les néons s’éteignent et plongent le magasin dans une torpeur effrayante. L’entrée est refusée aux pauvres affamés à la recherche d’une Carapils, d’un paquet de chips ou d’un bâton de berger. Prestement, je sors reprendre la pluie, comme un rite de purification.
On rentre chez soi des images plein la tête, des odeurs plein le nez. En regardant les nuages gris pleurer leur amertume, on imagine sans peine les âmes repues de victuailles, sortir de l’antre comme des zombies et laisser derrière eux une odeur de sueur, comme un parfum d’accompli. Et finalement, on se sent un peu plus proche de cette communauté sans nom, qui à l’instar des chrétiens, profite du dimanche matin pour un moment de culte bien particulier… Amen !