jeudi 8 avril 2010

Jeune homme rénove appartement


Quoi qu’on puisse en penser, la décision de rénover un appartement ne se prend pas sur un coup de tête. Il ne s’agit pas d’acheter une paire de chaussures ou de s’empiffrer de frites. C’est une décision qui se veut longuement et murement réfléchie, calculée, planifiée. Un bel après-midi d’hiver, on signe alors un papier décisif, celui qui semble dire : « ca y est mon vieux, maintenant, t’es vraiment dans la merde ! »

La rénovation d’un appartement est une sorte de rite initiatique qui symbolise le passage à un âge critique où l’on commence à prendre des anxiolytiques, où l’on s’inquiète du rendement de son compte en banque et où l’on ne mange plus trop tard le soir car, sinon, on a l’estomac lourd. C’est, semble-t-il, un passage courant chez l’être humain moyen : celui qui peut prétendre à posséder ses murs, mais malheureusement pas à les payer au prix fort.

Tout commence par un élan de motivation extrême. On casse des murs, on déblaye des pièces, on arrache du vinyle. Chaque jour passé dans le futur petit nid est une forme d’accompli : on bombe le torse et on sourit de fierté d’avoir pu, dans sa plus grande inconscience, porter quelques briques et planter quelques clous. Cependant, après avoir pu ajuster le niveau d’huile de ma voiture pour la première fois à 28 ans, j’aurais dû me douter que l’aventure ne serait pas sans provoquer quelques sueurs froides.

Rapidement, on se rend compte que, même si l’on est le meilleur gestionnaire de projets qui soit, l’expérience de la rénovation réserver un tas de petites surprises agréables, sorte de grands coups de pelle dans la tronche, qui vous obligent à revoir votre plan de travail tous les deux jours. On finit par comprendre que le mot « planifier » n’a plus beaucoup de sens et on se résigne à subir les coups du sors : « On t’a pas dit qu’il fallait chauffer pendant un mois avant de mettre le parquet ? Han !? » ; « Ha…va falloir refaire l’alimentation d’eau…parce que là ça va pas hein…nan, ca va pas… » ; « Dis, je suis malade, je vais pas pouvoir venir terminer ton chauffage ». Après quelques semaines, plus rien n’étonne. L’appartement devient le lieu d’une joyeuse débauche de matériaux dont on a l’impression qu’on en fait des tartes vu la vitesse à laquelle ils disparaissent. Les dépenses explosent, le budget diminue et on s’imagine rapidement en train de vendre sa collection de DVD sur eBay pour pouvoir acheter la vanne du radiateur de la salle de bain…

Il y a aussi un mystère étonnant que je n’ai pas encore résolu. Plus on détruit de choses, plus il y en a à détruire ! On a tellement vidés de décombres en tous genres que lorsqu’on arrive au parc à conteneurs, on nous fait la bise et on nous offre une bière. Et quand vous pensez que c’est enfin terminé, le doux murmure de la scie circulaire annonce la prochaine saignée. D’ailleurs, certaines saignées sont tellement grandes que j’ai décidé de les appeler des tranchées, de m’y cacher et d’y faire la guerre à toutes formes de bricolage!

Comme vous l’aurez compris, l’aventure devient rapidement atroce. Le moral s’enfonce jusqu’aux chevilles, les esprits s’échauffent et quelques paroles maladroites se perdent. On s’endort en pensant à des tuyaux de cuivre, on rêve de plaques isolantes et l’on se réveille avec des saignées abominables dans tous les murs. La vision des magasins de matériaux et bricolage vous file la nausée et certains mots provoquent d’étranges spasmes parmi lesquels : manchon, Gyrpoc, MP75, compteur électrique, volige, isolation ou encore sable du Rhin et Hubo.

Après bientôt 3 mois de travaux, quelques constats peuvent être réalisés :

-Je n’ai plus une chaussure ni un manteau qui n’ait été la victime de poussière de plâtre, de ciment frais ou de la douce caresse d’un bloc Ytong ;
-J’ai perdu 9Kg de graisse que j’avais mis des années à mettre de côté ;
-Je dors en moyenne 5h par nuit et parfois, je m’éveille avec l’horrible envie de vérifier si l’on a acheté les bonnes vis pour le Gyproc ;
-Ma capacité pulmonaire a diminué de 20%, résultat de la respiration de l’équivalent de 8Kg de poussière ;
-Je peux maintenant conduire un petit camion plateau, (mal) enduire du Gyproc, faire la différence entre une vis à bois et une vis à Gyproc, manger un sandwiche assis par terre avec les mains dégueulasses et dégonder un porte en moins de 7 minutes.

On peut également tirer quelques conclusions intéressantes de l’expérience :

-Quand on vous dit « Fais-moi confiance ! » ne faites SURTOUT PAS confiance. C’est une erreur de débutant, certes, et qui cause de sacrés ennuis ;
-Quand on vous dit « ca va aller ! », ne le croyez pas. Ca ne va jamais. Il faut toujours prévoir plus de temps, plus d’argent et plus de Xanax ;
-Demandez à votre banque 10.000€ de plus et entourez-vous de véritables professionnelles du métier, sans avoir mal au cœur de dépenser de l’argent pour ça ;
-Quand on vous dit « tu vas voir, c’est facile », préparez-vous à devoir trouver quelqu’un pour faire la tâche à votre place, vous n’y arriverez pas ;
-Ne sous-estimez jamais les bienfaits d’un véritable dimanche de repos.

Pour nous, la sentence est tombée : nous allons bel et bien déplacer nos meubles fin du mois dans le nouvel appartement et pour cause, notre bail se terminera le 1er mai et la maison doit être libérée. Il est plus que probable que nous vivrons dans une tente Décathlon, nonchalamment déployée sur la chape du séjour, dans un appartement privé de chauffage, d’eau et d’électricité. Nous irons chercher l’eau au puits, nous frotterons des silex pour faire un feu de camps, nous nous laverons dans une bassine et nous mangerons des raviolis en boite, froids, si tant est qu’on remette la main sur l’ouvre-boite, enfui dans une des 217 caisses qui seront éparpillées de la cave au grenier.   

Je ne suis pas encore arrivé au bout de l’aventure mais tout porte à croire qu’après cela, effectivement, je ne serai plus le même homme ! A la grâce de Dieu…