Après les 2 mois de novembre successifs que nous venons d’éprouver et avant que la Toussaint, la vraie, n’arrive avec son cafard ambiant, nous avons eu envie de célébrer une journée estivale. Oh, rien de bien farfelu : un barbecue. Une discipline socialement admise qui consiste à braiser divers morceaux de viande (pour la plupart embrochés sur des morceaux de bois) par-dessus des charbons ardents, à déguster avec du vin rosé, de la salade de pâtes froides et de la sauce andalouse. C’est simple. C’est bon. Banco !
Tout a commencé par les courses. La magie de la boucherie Colruyt fonctionne en général assez bien : une fois la commande remplie et le ticket agrafé à sa chariote, il ne reste qu’à attendre que Wanda (c’est la voix de la boucherie Colruyt) entonne son mythique : « la commande numéro 498 est prête à la boucherie ». Efficace. C’était sans compter la population environnante qui, tout aussi intéressée que moi par les disciplines socialement admises, avaient tous décidé de profiter du seul samedi d’été ensoleillé de l’année 2011. Ah oui, j’oubliais : le barbecue veut apparemment aussi que parmi les bouts de viande, il y ait des brochettes de bœuf. Du coup, j’ai attendu mes brochettes durant 40 longues minutes…ce qui m’aura permis de tirer diverses conclusions :
- Mme Denis recevait son beau-frère qui est allergique au porc (en fait, il est en train de se convertir à l’Islam mais n’a pas encore osé avertir sa famille) ;
- Le legging revient à la mode, plus fleuri que jamais, chez la ménagère de moins de 50 ans ;
- Un enfant de 3 ans est capable de lécher la poignée d’un caddie sur toute sa longueur au moins 7 fois en 1 seule minute.
Les précieuses brochettes en main, il était temps de retrouver mon Laurent, de l’autre côté de la caisse, qui avait probablement dû ranger toutes les vidanges par taille et par étiquette.
Le soir arriva enfin ainsi que nos invités. Et là, le bonheur ! L’air chaud nous caressait le visage, la lumière se tamisait et le soir finit par tomber. Les bougies se mirent à scintiller sur les bords de fenêtres et on sortit même le lampadaire pour compléter la scène. Le barbecue bien chaud (embrasé à l’aide d’un sèche-cheveux et d’une boite de céréale…si, c’est important !) reçut bientôt le poulet mariné, les brochettes de bœuf, les merguez…tout le monde participait au dressage de la table et dans la liesse qui nous animait, les flashes lumineux qui éclairaient le ciel ne nous semblèrent pas menaçant. Bande de naïfs ! « Bha ils n’ont prévu des orages que dans la soirée ». 22h15, dans nos régions tempérées, c’est donc bien la soirée. Info confirmée.
Alors que les convives finissaient leur première assiette et que la viande, tournée 2, crépitait sur le feu, le vent commença soudain à monter. « Pas de panique ! Tranquille ! Qui veut un verre de vin ? » Mais la pluie, par petites goutes, accompagna bien vite les rafales. « Nan mais c’est rien, on va juste reculer un peu la table et ça va bien se passer ». Et là, ce fut le drame. L’apocalypse. La fin des temps. Le ciel se mit à déverser des trombes d’eau insensées. Tout s’envola : les serviettes, les sauces, les pâtes, les gens…comment ça j’exagère ? Un peu, seulement. Un fou rire s’empara de l’assemblée qui, dans une organisation plus que discutable, se mit à rentrer le campement. Tout le monde passa à la douche en emportant le pain ou la sauce andalouse. Et là, Laurent et moi, n’écoutant que notre courage, nous décidâmes de plonger sous la pluie et de sauver le poulet et les boudins toujours en cuisson sur la barbecue déjà éteint ! Dans un fou rire à peine imaginable, je me lançai sous la nuée et me retrouvai trempé en quelques secondes seulement. En bon gay bien appris, et malgré la tempête, j’essayais d’utiliser la pince à barbecue (un objet lui aussi socialement admis dans la discipline) pour attraper la volaille et la mettre dans le plateau. Le 1% hétéro de Laurent allié au torrent glacial qui se déposait sur son dos ont bien vite changé la donne : il se mit à attraper les boudins directement avec les mains, à les jeter dans le plateau en criant : « Tiens ! Tiens ! Prends ça ! Tiens ! Vas-y ! ». Wow !
Ca y était ! Ouf ! Tout et tout le monde était à l’abris, y compris les précieuses grillades. Après un léger moment d’hébétement et plusieurs fous rires, deux serviettes éponges plus tard, la table était recomposée par nos invités. Les verres de vin retrouvèrent leur propriétaires et la fête sembla pouvoir recommencer de plus belle… l’adrénaline s’effondra un peu et nous rendit le climat d’insouciance dont nous profitions jusque là. Quand soudain, alors que la tarte tchèque d’Isabelle venait d’être servie, accompagnée de sa glace « Nuit de Macadamia », le petit Stijn, 4 ans et demi, cru bon de faire remarquer à cette bande d’adultes inconscients que de l’eau, beaucoup d’eau, semblait s’infiltrer dans l’appartement. « Mais non hein Stijn, c’est rien, c’est… ». Ah si, c’est quelque chose…
Dans l’empressement du premier coup d’adrénaline, nous n’avions pas prévu que le carton de céréale (je vous avez dit que c’était important !) allait venir boucher l’évacuation de la plateforme et diriger l’eau tout droit vers la terrasse, d’abord, et jusqu’à la porte de l’appartement, ensuite. L’eau s’infiltra rapidement, les invités reprirent les rennes de l’opération « Sauvons le barbecue de Laurent et John ! ». Tout le monde s’agitait et moi je perdais les pédales. On me demandait de trouver des seaux et des torchons. Je paniquais. Je balançais des bassines, des boites Tupperwaere, des lingettes à poussière et des lavettes Vileda. Tout ce que je trouvais et que mon cerveau estimait absorbeur d’eau ou contenant était balancé d’un geste nonchalant et artistique vers les amis qui, eux, semblaient avoir compris mieux que moi ce qu’il y avait à faire. Et ça écopait en rythme, au milieu de rires parfois crispés. Pendant ce temps, alors que j’avais peu à peu l’impression de revivre « Le jour d’après », je ne trouvais rien de mieux à faire que d’immortaliser le moment et de prendre quelques photos. Ben quoi ? Moi, la photo, ça me détend…
Plus de peur que de mal ! Après quelques dizaines de minutes, tout le monde s’effondrait, éreinté de tant d’aventures. Le dévidoir était fonctionnel, l’appartement était racletté (du verbe « racletter », passer un coup de raclette vite fait) et je reprenais ma glace presque fondue alors que Stijn fignolait le travail au moyen d’une Vileda toute neuve.
J’en suis resté incrédule et médusé. Mais le souvenir est heureux et les rires étaient sincères. Je pense qu’au prochain barbecue, quand je dirai : « On mange à l’extérieur ou… ? », je sais ce que l’on me répondra : « Ca dépend…t’as des torchons ? ».
Et d’imaginer la fourmi ayant observé la scène, déjà bien nourrie de nos miettes et prête pour l’hécatombe orageuse (elle!), morte de rire, tapant de son poing-patte sur le sol : « Vous chantiez ? J’en suis fort aise ! Hé bien écopez maintenant ! »