dimanche 26 juillet 2015

Opération « 3 kg avant qu'il ne soit trop tard » - Le sport // Partie 1: la course à pied.




Un bon régime ne peut décemment se poursuivre que si l’on y adjoint une activité sportive. Je ne sais pas vous, mais chez moi, le mot « sport » a toujours provoqué une crispation compulsive de l’oeil gauche. Si l’étymologie du mot nous ramène vers un vieux français signifiant "jeu et amusement", la réalité est parfois bien différente. Car si Assassin’s Creed sur Playstation 3 est un jeu qui m’amuse beaucoup, on m’a fait savoir qu’il ne s’agissait pas de sport. Comme quoi, tout est une question de perception.

Quand on n’est pas un grand fan du ballon rond (ni ovale, ni…heu?), que les disciplines de combat se limitent à la lutte infernale de l’homme contre sa housse de couette ou le couvercle du bocal de confiture, que la piscine n’est envisageable que si elle est chauffée à 34°C et qu’elle fait des remous, que nous reste-t-il donc?

La course à pied! Si vous le faites dans les règles, personne n’osera jamais vous dénigrer. Il faut choisir une tenue sportive sérieuse, de préférence achetée chez Décathlon (puisqu’on n’imagine pas très bien où d’autre aller chercher des trucs relatifs au sport), des baskets colorées (mais pas trop quand même) avec les mini-chaussettes qui vont avec pour ne pas avoir l’air d’un con le long de la route. On choisit ensuite un itinéraire à proximité de chez soi en utilisant Google Map et en calculant au mètre près une distance de 5km (tout le monde parle de courir 5km, c’est que ça doit être jouable), en évitant les grands-routes, les zonings, les quartiers à risque et les rails de chemin de fer. On décide avec soi-même que s’il pleut, on ne sortira pas (parce qu’on ne va quand même pas attraper la crève pour trois misérables kilos) et on prépare quand même un coupe-vent avec des bandes jaunes fluorescentes (puisque, apparemment, c’est ce que portent les gens qui vont courir 5km). Nous sommes presque prêts...

Avant de commencer, il est hyper important (non, mais vraiment hein!) d’embarquer son smartphone et de lancer Runtastic ou n’importe quelle autre application de running. Cette application annoncera au monde entier (aka vos 213 amis Facebook) que vous vous préparez à débuter un effort physique intense et que l’on peut vous encourager tout au long de la course. Vous arborez fièrement vos écouteurs en lançant la playlist « Run to hell » de Spotify et en démarrant votre parcours. Vous tentez alors de maîtriser votre souffle qui part complètement en vrille. Quand la voix électronique vous annonce que vous avez couru 1km, vous stoppez net en vérifiant les données et en vous écriant « c’est une blague ici? ». C’est la réalité : vous êtes épuisé, transpirant, et à 20% de votre objectif. Vous avez crâné sur Facebook… fallait y penser avant… plus d’autre choix que de continuer!

Après un temps infiniment long (presque autant qu’un épisode de Derrick en version originale), vous terminez enfin votre parcours. Vous avez cru claquer huit fois sur le trajet, vous avez été piqué par un taon et vous avez marché sur un escargot. Vous n’avez été encouragé que par deux personnes (votre oncle Didier qui like tout ce qu’il peut et votre maman) et vous vous apercevez que votre parcours ne faisait que 4,87km (ce qui est psychologiquement abominable). Dans votre agonie post-exercice, vous appuyez sur le mauvais bouton : votre parcours et votre temps ne sont ni publiés ni enregistrés. Tout ceci n’a servi à rien. Vous avez perdu 43 minutes de votre vie. Vous ouvrez le frigo, dégommez un flan au caramel et imprimez la marque de vos fesses humides sur le canapé.

Pas de panique, il vous reste la salle de sport…

Affaire à suivre...

vendredi 10 juillet 2015

Opération « 3 kg avant qu'il ne soit trop tard » - La stratégie


En fait, le régime, c’est une véritable question de stratégie. Il faut ruser pour tromper l’ennemi. Et dans ce cas précis, l’ennemi, c’est soi-même, sa faim de bonnes choses, sa soif de breuvages interdits. Le combat infernal de l’homme contre sa gourmandise.

Quand on est soumis aux mille tentations qui remplissent quotidiennement les journées, on est bien obligé de trouver de petites astuces pour survivre sans risquer de faire une crise de catatonie à chaque fois qu’il y a des Grills® à l’apéro.

Ainsi, lorsque l’on débouche une bouteille de vin et que le son particulier du bouchon qui explose vous fait frémir, il faut dire : « non, merci, pas pour moi, je vais prendre une eau pétillante, car je conduis ». On pensera cependant : « j’ai un filet de bave qui coule le long des lèvres tellement j’en ai envie, mais comme j’ai eu la grande idée de commencer une saloperie de régime, je dois sourire comme un con et boire de la flotte ». Pour adoucir sa frustration, on demandera à ce que l’eau pétillante soit servie dans un verre à vin. Pour faire « comme si ». Comme si on était grand et qu’on avait le droit de boire du vin. Comme si on était complètement détendu et déterminé. Comme si on n’avait pas envie d’attraper la bouteille par le goulot et de se la vider sur le visage.

Et les chips me direz-vous ? Il faut se jeter frénétiquement sur les tomates cerises, le chou-fleur (sans mayo, tout sec, qui arrache presque la langue), les bâtonnets de carottes. Et si votre hôte n’a pas eu la grande idée de prévoir la petite touche light, vous avez le droit de vous faire les ongles sur le canapé, d’aller crier dans un oreiller ou de dérouler tout le P.Q. dans les toilettes en guise de vengeance.

Une autre stratégie, c’est celle des quantités. « Nan, mais si j’en prends qu’un tout petit bout, genre minuscule, mon corps s’en rendra même pas compte. Hein ? ». On se met alors à calculer de manière névrotique l’implication calorique du moindre chips (oui, moi je dis « un chips »), de la plus petite olive, du misérable TUC®, de la cuillère de gratin dauphinois (en ayant bien gratté la croûte de fromage gratiné par-dessus) et du Chokotoff® qui sera servi avec le café. « C’est juste pour avoir le goût ». On attrape l’aliment du bout des doigts, satisfait d’être parvenu à tromper sa logique. On fait systématiquement la belle grimace du gamin de 8 ans qui reçoit son cadeau de Noël. À peine l’aliment a-t-il touché les papilles qu’il a déjà disparu ! Le salaud ! Là, c’est la déconfiture. On passe à la grimace du gamin de 8 ans qui a ouvert son cadeau et qui découvre qu’il s’agit de pantoufles Angry Birds alors qu’il voulait la Playstation 4. Tout s’est déroulé si vite. On passe encore la langue sur les lèvres pour capter les dernières saveurs et on regrette un peu de se faire autant de mal.

Faites gaffe ! Il est fort probable que votre cerveau gourmand tente ensuite de vous avoir, de vous attaquer par le flanc, en traitre. Par exemple, via une mignardise innocemment présentée en fin de repas, alors que vous avez baissé la garde après des heures de retenue. Ou encore avec une andouille de collègue qui est dans sa phase « je suis célibataire et malheureuse alors je fais des pâtisseries pour oublier et je les amène au boulot ». Collègue qui vous présentera un panier plein de macarons. Des macarons qui, dans votre imagination d’affamé, se dotent de petits bras minuscules et de sourires de dessins animés en vous criant : « Prends-moi ! Mange-moi ! Dévore-moi ! ».

En cette période estivale de barbecue, il n’y a pas trente-six solutions. Votre place stratégique sera celle où les plats circulent le moins bien. Mais si, bien sûr. Cet endroit on vous tentez, chaque soirée barbec’, de ne pas vous placer, car on y trouve que les tomates et les concombres alors que les viandes grasses, la salade de pâtes mayo et les patates semblent vous échapper à l’autre bout de la table. Laissez faire le destin et engloutissez du légume. Jetez-vous également sur toutes les viandes un peu carbonisées, dépourvues de gras. C’est dégueulasse, mais c’est bon pour votre conscience.

Une autre technique que j’ai essayé c’est la fuite caféine. Quand l’envie est trop importante, que les gens autour de moi s’empiffrent de vilaines choses, que j’ai presque envie de baisser les bras et de chanter l’hymne du gras, je me fais un café. Noir. Amer. Puis un deuxième. Puis encore un autre. Jusqu’à ce que je termine la journée en mode simulation Parkinson et que je profite de mon insomnie agitée pour me féliciter de n’avoir pas commandé une pizza lors du repas de midi.

Faute avouée étant à moitié pardonnée, j’étale mon craquage du week-end dernier pour un tiramisu aux fruits rouges qui a provoqué une forme d’orgasme démesuré que j’ai dû contenir malgré moi. Il se pourrait qu’une olive verte et un bout de fromage se soient perdus dans mon gosier… mais bon. C’est tout petit. Je suis sûr que mon corps ne s’en est même pas rendu compte. Hum.

Quand après 10 jours de combat vous annoncez fièrement à un ami que vous avez observé une diminution de 2000 grammes sur la balance (toujours compter en grammes, c’est bon pour la motivation), il vous réplique : « Ouais, mais avec la chaleur, à tous les coups, la moitié c’est de l’eau ». Comme vous êtes d’une civilité sans pareille, vous résistez à l’envie de lui mettre une tarte (hmmm une tarte…), vous respirez un grand coup et vous continuez votre chemin…

… votre chemin vers… la salle de sport… !

Affaire à suivre…

jeudi 2 juillet 2015

Opération « 3 kg avant qu'il ne soit trop tard » - Le démarrage en côte

Le régime illustré.

Le démarrage en côte est une épreuve dangereuse quand on commence à conduire. On stresse, on doit coordonner des gestes techniques, on a toutes les chances de caler… et avec du bol, on démonte le pare-choc de la voiture de derrière. Pour le peu qu’on soit un peu fragilisé (par exemple parce qu’on vient de regarder le JT de 19 heures), on se dit que la conduite c’est finalement très surfait et que le vélo, c’est bon pour les cuisses.

Les deux premiers jours de mon régime, c’était un peu comme un démarrage en côte : un accueil petit déjeuner au boulot avec des petits pains au chocolat et des croissants (bizarrement, ça ressemble aux meilleures viennoiseries sur terre), deux restaurants, des marchands de glaces à tous les coins de rue et une période professionnelle tellement stressante qu’on en avalerait des paquets de M & M’s à l’entonnoir. Bref, toutes les chances de se planter et de s’abandonner au stupre de la bouffe.

Les premiers jours d’une telle opération, on a la détermination d’un lion. On considère les croissants avec dédain en se jetant compulsivement sur le café pour en oublier l’odeur délicieuse. Après tout, ce matin, on s’est déjà empiffré d’une tranche de pain grillé avec une cuillère à café de confiture light. (Youpi. Double salto). Qui aurait besoin d’ingérer ces amas croustillants de sucre et de graisse ? Pas moi. Hum.

Au restaurant, on est plein d’espoir et d’illusions. On commande un coca zéro pour l’apéro (et on passe pour un gros nase auprès de ses collègues, mais bon, ils ne peuvent pas comprendre). On attrape la carte et on se dit qu’il y aura forcément quelque chose qui ne sera pas trop subversif. Ces plats sur lesquels, habituellement, on jette toujours un regard miséreux en se disant : « venir au restaurant pour bouffer ça… Pfff ! ». On parcourt alors la liste évocatrice de féculents, de sauces, de morceaux de viande grasse, d’explosions de sucre malfaisant. Sueurs froides. Je ne vais pas craquer à peine cinq heures après le démarrage. Après une minutieuse opération de sélection, je commande un tartare de saumon. Le tartare de saumon c’est très consensuel : c’est du poisson, des oméga 3, et ça sonne comme quelque chose de léger. Quand la planchette arrive, on est presque fier. Il y a même des radis, symbole par excellence du régime réussi. La pression était presque retombée quand cet imbécile de serveur amène un plein bol de petites patates grenailles rissolées au romarin et à l'huile d’olive. On est pris d’une fugace envie de lui défoncer le crâne avec la salière. Et puis, on prend son courage à deux mains et on repousse légèrement le bol de pommes de terre comme pour mieux établir que l’on n’y touchera pas. Une fois l’épreuve terminée, on se replonge rapidement dans son boulot pour ne pas trop envisager le manque du petit sucré en fin de repas. On se sent fier et on ignore la frustration (« t’aurais pas un Tic Tac ? Allez, c’est seulement 2 calories ! »).

Mais le restaurant n’est pas la seule tentation. Quand les journées passent à la vitesse de la lumière et que les rendez-vous s’enchaînent à 20 à la douzaine, le repas du midi est un véritable challenge. Parce que, bien sûr, je n’ai pas eu le temps de préparer mon petit pique-nique léger du midi. Ce qui importe peu puisque, de toute façon, je n’ai pas eu le temps de faire des courses en mode « j’arrête de bouffer du saucisson et de la salade de thon », qu’il n’y a dans mon réfrigérateur que du saucisson et de la salade de thon et que je me suis levé beaucoup trop tard pour imaginer une solution de repli. Bref, je termine au supermarché du coin, stressé par l’overdose de nourriture qui vient heurter mes sens. Pour éviter de se retrouver assis au milieu du rayon chips, tremblant, à se balancer d’avant en arrière en récitants par ordre alphabétique les goûts des Crocky, il faut être efficace et rapide. 1 paquet de filet de poulet, 1 tomate, un paquet de carottes râpées. Il faut filer dans les allées tel un Indiana Jones, comme si le magasin allait s’effondrer ou que des pierres (qui roulent et n’amassent pas mousse) allaient débouler depuis le coin boucherie. Une fois extirpé de ce lieu de tous les dangers, on finit par se poser devant son fabuleux festin. On se sent la détermination d’une taupe neurasthénique et on croque dans cette bête tomate avec dépit. La journée finira bien par se terminer.

Après ces deux premiers jours, j’ai résisté à : un tiramisu aux fraises, une salade périgourdine, un vol au vent, des chips au paprika et du chablis. Par contre, j’ai craqué... 8 frites goguenardes ont terminé au fond de mon gosier. J’avoue, ma honte était très limitée et mon sommeil est resté intact.

La chaleur caniculaire qui s’annonce est mon amie. Puisse-t-elle favoriser mes envies de concombres frais, de poulet grillé et d’eau fraîche. (Le premier qui parle de barbecue, je lui explose les rotules à coups de ventilateurs. Je le fais. Je vous promets, je le fais.).

lundi 29 juin 2015

Opération « 3 kg avant qu'il ne soit trop tard » - Prise de conscience

Un jour, dans sa vie, on a 33 ans (en tout cas, pour ceux qui tiennent le coup jusque-là, et c’est quand même pas rien). Et quelques mois plus tard, on monte sur cet objet anodin soudain devenu diabolique : la balance. Et là, on s’aperçoit que les belles années de brûlage facile des monstrueuses calories sont loin derrière. On atteint ce fameux « poids le plus haut jamais atteint dans sa vie ». On sent la haine et le désespoir monter en soi. On hurle ô désespoir en maudissant cette bouffe ignominieuse. On repense aux lasagnes, aux Magnum, aux pâtés de saison, aux sandwichs poulet mayonnaise avec des crudités (parce que les légumes, c’est bon), aux barbecues presque inoffensifs (ben oui, c'est grillé non?) et à ces viles tentatrices de frites (s*l*p*s !). On repense à toutes ces fois où l’on s’est dit « c’est déconner quand même » en pensant « je m’en carre, j’ai envie de bouffer, je bouffe ». À genoux dans sa salle de bain, dos au miroir (jamais de face dans ces cas-là !), on se prend la tête dans les mains quelques instants et puis on regarde le ciel en criant : pourquoi, mais pourquoi môa ?

Et puis, dans cette piteuse lamentation, un sursaut ! Il n’est pas encore trop tard... mais si tu te bouges pas les miches, elles vont devenir comme des citrouilles d’Halloween (aussi grosses et aussi moches) et tu seras interdit de port de maillot de bain pendant les 10 prochaines années.

Bref, j’ai décidé de me prendre en main, alimentairement (même si le mot n’existe pas), sportivement (celui-là est correct, j’en profite) et... littérairement ! Hé bien oui ! Je me suis demandé quelle motivation, quel moteur encore jusqu’ici inexploité (et j’aime autant vous dire que j’ai déjà épuisé un paquet d’idées farfelues, puisque j’ai même employé le strip-tease sur fond de pièce de théâtre) je pourrais utiliser pour retrouver un poids raisonnable et une taille qui m’évitera de devoir renouveler toute ma garde-robe en taille 44 pendant les soldes 2015.

3 réflexions :

1) ça fait longtemps que je ne me suis plus épanché sur ce blog et le fil conducteur de l’écriture peut éventuellement flageller mes mauvaises habitudes lipidiques et glucidiques ;
2) proclamer publiquement un tel défi va (je l’espère) me foutre sur le dos une forme de pression sociale complètement irrationnelle qui me poussera, par une fierté mal placée et pour mon égo neurasthénique, à poursuivre mon défi avec acharnement et persévérance (amen);
3) vivre un régime (le mot est lancé) est une véritable aventure, un parcours du combattant semé d’embuches, de défis, de tentations, de mauvaises blagues, de moments de doute. Et tout cela, si c’est partagé, ça peut être plus facile à vivre.

Je me lance donc, ce 29 juin 2015, dans l’opération « 3Kg avant qu’il ne soit trop tard ». Fin de l’expérience dans 1 mois, le 29 juillet 2015.

Votre soutien, vos réflexions, vos idées et votre sollicitude me seront d’une aide précieuse. Car mine de rien, pour un nerveux, gourmand, noyé dans une vie professionnelle qui laisse à peine le temps d’aller pisser, constamment en train d’être soumis aux pires atrocités comestibles... ça promet d’être folklorique.

Nous vaincrons. 

lundi 24 décembre 2012

Chroniques plaintives d'un homme sans son iPhone. Jour 13 : Le doute

C’est ce matin en me brossant les dents qu’il est arrivé. Quelques instants de mégarde et 12 jours de sevrage auront suffit à m’y plonger. Je ne l’ai pas vu arriver et pourtant, il était là, dans l’écume blanche qui s’écoulait de ma bouche, dans les cernes profondes de mes yeux, dans les petits mouvements saccadés de ma paupière gauche qui hurle au manque : le doute ! L’odieux ! Et si, au fond, je n’avais pas besoin d’un iPhone ? 

Je me suis alors mis à délirer. Mon cerveau ramolli par une si longue déconnexion a produit des idées farfelues. J’ai donc imaginé que, peut-être, ce besoin ancré si profondément n’était que le résultat d’une énorme machinerie capitaliste. Et si tout ceci n’était qu’un coup monté ? Et si ce besoin avait été créé de toutes pièces par des magnas de l’industrie, agissant en toute impunité ? Et si, finalement, il y avait moyen de vivre sans cette technologie ? Continuant dans mon délire, je me suis mis à imaginer des petits bonshommes véreux en cravate Tiny Toons qui se rassemblent autour d’un feu lors des solstices et font sonner en cœur leurs Nokia 3310 en se moquant des pauvres gens qui sont tombés dans leur panneau. Je les vois rire à pleines dents en comptant leurs dollars et en dénigrant ces pauvres acharnés qui s’usent les doigts sur les écrans d’un objet dont personne n’aurait jamais eu besoin si eux n’avaient pas eu la bonne idée de l’inventer. 

L’idée m’est donc venue de peut-être pouvoir éventuellement, qui sait ?, dans un contexte probablement envisageable…vivre sans iPhone. Quel choc pour l’esprit ! Etouffé de ce doute existentiel, je me suis alors entendu dénigrer la machine. Vivre sans iPhone, c’est peut-être éviter de se choper une tumeur au cerveau (même si on a téléchargé l’application « Wave Breaker » qui vous promet de capturer les mauvaises ondes pour les envoyer dans univers parallèle par génération d’un portail interstellaire). C’est aussi échapper à une crise de spasmophilie au rayon fromages du supermarché parce que la batterie est à 4% et que ces maudits magasins ne proposent pas de bornes électriques pour les situations d’urgence. Ne pas avoir d’iPhone, c’est encore économiser de précieux euros qu’on ne dépensera pas dans les applications « Prouts du monde » ou « Prends toi en photos et transforme-toi en Hobbit ». C’est aussi préserver ses empreintes digitales qui auront probablement disparu après 7 ou 8 ans d’utilisation intensive. 

Plus d’iPhone. Il fallait donc se représenter avec, dans la poche, un de ces appareils qu’on appelle fréquemment « téléphone portable » et dont la fonction de base et essentielle serait de…téléphoner ! C’est là que je suis définitivement parti en vrille ! J’explosais littéralement contre ces technologies barbares qui me bouffaient mon temps, mon énergie, mon argent. Je me suis mis à chercher un Nokia 3310 sur eBay et une cravate Tiny Toons. Je me préparais psychologiquement à utiliser un agenda papier ainsi qu’un crayon avec une petite gomme au bout (une rose, toute sale, que j’aurais bouffée après à peine deux jours), de gros bottins jaunes, des cartes géographiques à l’échelle 1 :10.000, des petits livrets avec les horaires des séances de cinéma et de grands appareils bancaires pour faire des virements et payer mon abonnement GSM à 15 euros qui ne comprendra plus que 100Mo de trafic web que je n’utiliserai jamais. 

Dans la foulée, j’aurais, pourquoi pas, ressorti ma machine à pain et été quérir mon levain au moulin du village ; moulin que j’aurais racheté pour y installer une petite demeure pleine de charme, loin des réseaux de la ville. Je me serais remis à écrire des lettres sur du papier avec de l’encre et à acheter des timbres à la poste en m’inquiétant de l’heure de la levée du courrier. Je me serais mis à acheter « Bio » et « équitable », j’aurais promulgué des slogans provocateurs lors de l’installation d’antennes GSM, j’aurais récupéré l’eau de pluie pour pouvoir laver mon linge dans une grande bassine en cuivre avec du savon de Marseille. J’aurais cultivé mes choux-fleurs, mes tomates, mes radis. J’aurais fait de la soupe que j’aurais distribuée aux pauvres durant l’hiver. J’aurais nourri les oiseaux avec du saindoux (qui eut cru que je parviendrais à placer le mot « saindoux » ?) que mon boucher me donnerait gratuitement, tant je serais un client fidèle. Je me serais mis à la marge de tout et tout le monde, j’aurais commencé à parler à ces petits oiseaux (que j’électrocutais jadis) en me prenant pour Blanche-Neige et en cherchant mes 7 nains. Et puis, un jour, inconscient, j’aurais cueilli une pomme de mon vergé et, après y avoir mordu de toutes les forces qui me seraient restées, je me serais effondré d’une insupportable nostalgie devant ce symbole de ma grandeur et de ma décadence : une pomme croquée ! 

Je me suis mis une grande claque dans la figure avant de perdre la boule et de devenir Amish et j’ai entamé ma journée. Lors d’une réunion, j’ai machinalement saisi le couvercle d’une boite de Ferrero Rochers sans pouvoir retenir le mouvement compulsif de mon index qui cherchait désespérément une application à lancer, un écran à scroller, une photo à resizer. Manifestement, je n’étais pas prêt à me défaire de mon précieux. L’après-midi a été atroce : les mélodies des iPhones de mes collègues se mélangeaient pour scander toutes la puissance de mes lamentations. A chaque « ding ! ding ! » qui retentit, chacun vérifie son écran afin de s’assurer que ce n’est pas de son « ding ! ding ! » qu’il s’agit, certains arguant même qu’ils sont capables de reconnaître le leur (ce que je les laisse croire, rien n’est plus fort que l’idée). 

Et pour oublier ma peine, quand j’entends le « ding ! ding ! », moi aussi je prends mon GSM et je vérifie que ce n’est pas le magasin Mobistar qui m’annonce que le temps de la disette est enfin révolu. Ce temps de doute…sans mon iPhone.

mardi 23 octobre 2012

Chroniques plaintives d'un homme sans son iPhone. Jour 12 : L'iPad

Quand on est privé de son iPhone, il est indispensable de se munir d'un succédané. Histoire de vivre le sevrage à fond, j'ai cherché de douces et délicates alternatives.

J'avais retrouvé un vieux Tetris électronique avec un magnifique écran monochrome, version de luxe puisque l'appareil est en forme de vaisseau spatial! Un must qui m'a suivi dans tous mes déménagements depuis 15 ans et qui me fait frémir de sa musique polyphonique à 8 notes. Après avoir abattu l'équivalent d'une centaine de murs (ce qui n'est pas du tout évident quand on s'est chopé 3 ampoules au pouce pour cause de textage intensif sur Ancêtre), la lassitude s'est rapidement installée. Il me fallait autre chose.

J'ai alors retrouvé un vieil agenda électronique (qui faisait aussi GPS, répertoire, carnet de note et calculatrice). Le genre d'appareil qui fonctionne avec un stylet, qui est capable d'afficher 256 couleurs (quand tout va bien) et qui vous demande de confirmer la moindre action que vous tentez d'effectuer.
 "Etes-vous sur de vouloir allumer l'appareil?". OK! "Oui mais sûr, sûr?". OK! "Vous savez que ça va décharger la batterie, n'est-ce pas?". CANCEL.

C'est alors que je me suis lancé dans la lecture d'un bouquin. Quand j'ai posé mon doigt sur un mot que je ne connaissais pas, il ne s'est rien passé! J'attendais qu'un menu contextuel s'ouvre, que je puisse copier le mot pour ensuite le coller dans l'application "Dictionnaire" et en trouver facilement la définition. Mais non. Rien. Un silence. Au vu de ma dernière exploration d'un dictionnaire et des conséquences infructueuses qui s'en sont suivies (cf. chronique du jour 11), j'ai abandonné la lecture. Et j'ai craqué. J'ai été chercher mon iPad.

L'iPad est une machine extraordinaire mais moins que l'iPhone. Il a un grand écran tactile et de belles icônes d'applications mais il est amputé de toute une série de caractéristiques qui font de l'iPhone un objet d'addiction. L'iPad ne téléphone pas, il n'envoie pas de sms, il ne peut pas prendre de belles photos (il prend uniquement des photos moches, hé oui, c'est comme ça) mais surtout il ne tient pas dans la poche! Car à moins d'adopter le style salopette-bobo-chicos dans un genre complètement écolo-classe, agrémenté de bottes en caoutchouc avec des coccinelles et d'un couvre-chef de type "Bob", il vous sera impossible de profiter d'une spacieuse poche kangourou pour y placer l'objet. Ceci dit, certains adeptes fanatiques n'hésitent pas à l'emporter partout, parfois porté en bandoulière, et à l'utiliser sans vergogne comme un appareil photo. Moi, ce que j'aime, c'est de voir un tout petit japonais prendre une photo avec son grand iPad. Savoureux.

Ceci dit, je retrouvais avec un certain plaisir les sensations précieuses du glissé de doigts sur la surface en verre! Sauf que... mon iPad à moi, il est cassé. Une histoire malheureuse qui, en plus de fendre une bonne partie de la vitre de l'objet, m'a également fendu le coeur. J'étais en colloque à Los Angeles (ça, c'est le passage où je crâne un peu) et je sortais de ma chambre du Hilton (je continue de crâner ouvertement, oui!) pour me diriger vers le lieu d'une conférence. A mon épaule, un splendide sac en tissu recyclé mal teinté, offert comme cadeau d'accueil à la conférence, contenant diverses choses sans importance et mon iPad. Alors que j'allais entrer dans l'ascenseur, me voilà sauvagement bousculé par une sorte de petit américain obèse, vêtu d'un t-shirt exhibant les fesses de Bart Simpson. L'individu (1m12 environs, 9 ans, rasé de près, la mine patibulaire, le regard assassin) a initié ce qui a semblé être un pas de course, juste le temps de me démonter la hanche et de faire tomber mon sac. Et c'est là que l'on se mange la loi de Murphy pile dans les dents de devant: Le sac aurait pu tomber dans le couloir et s'écraser sur la tapis duveteux; il aurait pu s'effondrer dans l'ascenseur et se déposer délicatement sur le vinyle un peu mou; mais non, il aura fallu que ce mini Oncle Sam boursouflé provoque la chute juste à l'endroit de l'arrête métallique qui forme la jonction entre le couloir et l'ascenseur. Le bruit qui s'en suivi ma remué les trips. J'ai à peine eu le temps de voir le bonhomme ralentir dans sa course et disparaître à l'angle d'un couloir. A l'heure où j'écris ces lignes, il court toujours, impuni. Et mon iPad, il est toujours cassé.

Dans l'attente insoutenable, mon ami l'iPad m'a néanmoins permis de branler quelques pigeons (cf. chronique du jour 10), de retrouver quelques données relatives à mon agenda (dont une réunion d'il y a 4 jours à laquelle je n'ai pas assisté. Ca, c'est fait.), de voir que mon compte en banque ne me permettait pas d'envisager l'achat d'un iPhone 5 (idée saugrenue qui, en ces temps de disette, m'avait vaguement traversé l'esprit) et de regarder sur Youtube les vidéos de pauvres bougres qui partagent leur détresse car, eux aussi, ils souffrent de la perte d'un iPhone.

L'iPad me rappelant trop le douloureux souvenir de l'absence, je l'ai abandonné à son triste sort. Je me suis planté devant la télé et me suis mis à avoir envie de retrouver un Nokia 3310 rien que pour pouvoir jouer au serpent et oublier la misère qui s'abat sur moi.

Il me manque.
Mon iPhone.

lundi 22 octobre 2012

Chroniques plaintives d'un homme sans son iPhone. Jour 11 : La résignation

Et samedi, il se résigna. 

J'avais décidé que ce jour, j'ôterais ma grande coquille de Caliméro et je regarderais loin vers l'horizon, tel un chef viking... heu non... tel un centurion... heu non plus... tel un technophile en puissance (c'est tout de suite plus réaliste) privé de ses armes essentielles mais néanmoins décidé à conquérir le monde. Et si j'en fais un peu trop, c'est bien pour récupérer un peu de cette belle assurance que mon iPhone a manifestement emporté avec lui.

C'est ainsi que je réapprends les choses simples de la vie. Chercher l'adresse d'un magasin en utilisant www.pagesdor.be et Mappy, directement sur un vrai écran d'ordinateur et obtenir ses heures d'ouverture en utilisant un navigateur web. Appeler le 1307 (et claquer 1 euro) pour avoir le numéro de téléphone d'un restaurant et y réserver une table (sans connaître l'avis des utilisateurs et la note sur resto.be). Avoir envie de faire un check Foursquare quand on arrive au Carrefour et se rendre compte que c'est quand même franchement inutile (et se dire ensuite que, de toute façon, on pourra encore le faire plus tard). 


Autre expérience intéressante: cuisiner en utilisant un livre de cuisine. Une sensation extraordinaire! Le chercher dans la bibliothèque, feuilleter les pages et y retrouver de vieilles traces de sauce soja séchée, se perdre dans l'index pour trouver sa recette, adapter les quantités avec une calculatrice que l'on n'avait plus sortie du tiroir depuis des lustres (en se félicitant d'avoir choisi un modèle "solaire").
 

Ensuite, on y trouve un mot qu'on ne comprend pas, alors on va dans sa grande bibliothèque chercher un bon gros Robert (n'y voyez aucune allusion graveleuse) et on commence à tourner fébrilement les pages en appliquant, sans même s'en rendre compte, la technique de la dichotomie. Du coup, on tombe sur d'autres mots que l'on a envie de découvrir. Par exemple "pochon" qui est une grande louche, "poïkilotherme" qui désigne des animaux dont le sang a une température variable, ou encore "posthite" qui n'est pas du tout un carré de papier jaune à coller sur les réfrigérateurs mais une inflammation du prépuce (Outch! Ca fait mal! Celui-là, je ne suis pas très sûr que j'avais envie de le connaître).

C'est alors que l'on se rend compte que la bibliothèque est vraiment mal rangée. On commence donc à enlever les livres et à les trier par auteurs, par genres, par ordre alphabétique. Dans un moment de faiblesse, je me dis que cette application qui scanne les codes barres des livres et les répertorie automatiquement dans une base de données pourrait s'avérer très utile. Je me reprends en quelques secondes et continue mon tri pour tomber sur un ancien livre de mots fléchés. La moitié des bouquins sur le sol, je me dis que je pourrais peut-être faire une pause cérébrale en remplissant quelques cases. C'est alors que je me rends compte que les mots fléchés sans l'application "Mots Fléchés" (tous les développeurs n'ont pas un sens de la créativité ultra développé en ce qui concerne le choix des noms de leurs applications), c'est beaucoup moins drôle. C'est alors que je réalise que cela fait longtemps que je n'ai plus fait de Sudoku...

Je pars donc à la recherche d'un livre de Soduku, une probable relique qui aurait pu survivre à mes nombreux rangements par le vide (une sorte d'exutoire existentiel qui date de l'époque préhistorique où je n'étais pas équipé d'un iPhone). J'en viens à ouvrir mes boites à souvenirs, juste au cas où, et à détailler plusieurs objets porteurs de souvenirs divers, parfois plus légers, parfois très intenses. M'arrive notamment entre les mains, une page de partition musicale dont il me prend l'envie de retrouver les tonalités. Je laisse mes boites en plan et repars vers ma bibliothèque pour m'asseoir au piano et me délier les doigts. Au fil des minutes (alors que je vois les piles de livres s'effondrer à côté de moi), il me prend l'envie de jouer "True Colors" (je sais, ça n'a pas vraiment d'importance mais j'accorde une attention particulière à relater les faits avec une certaine justesse. Ou pas.) dont je n'ai pas la partition.

Je me dirige alors vers mon ordinateur pour trouver sur la toile une tablature. En vérifiant l'imprimante, je me rends compte qu'il faut changer la cartouche cyan. Ce qui est incroyable avec les imprimantes, c'est qu'on ne les utilise presque jamais et c'est toujours au moment où l'on en a besoin qu'une cartouche est vide (je vous vois sourire!). Je me lance donc dans le remplacement de la cartouche lorsque mon Ancêtre toussote quelques vibrations qui m'annoncent un appel. Le numéro qui s'affiche m'est inconnu et donc, je ne décroche pas. En fait, ce numéro ne m'est pas du tout inconnu: il est juste enregistré dans le répertoire de mon iPhone mais pas dans celui de l'Ancêtre. Je ne suis donc pas conscient qu'il s'agit d'un client qui souhaite me rappeler l'échéance d'un projet, elle aussi encodée de le calendrier de celui qu'on ne nomme plus. 


2h15 se sont écoulées depuis que j'ai voulu commencer à cuisiner. Il n'y a pas le moindre ingrédient de prêt, ma bibliothèque est sans dessus ni dessous, mes souvenirs jonchent le sol du bureau, mon imprimante est éventrée, en attente d'une transplantation de cartouche et mon Ancêtre expire sa dernière barre de batterie.

Et là, quand même, je me dis que si j'avais eu un iPhone, j'aurais tapé sur Youtube "Recette sushis", j'aurais regardé une vidéo de 7 minutes et plus que probablement terminé de trancher mon poisson cru. Un rappel m'aurait signifié mon échéance et j'aurais pu me mettre au boulot sans attendre et peut-être même, ensuite, exploser mon score à "Mots Fléchés" (et ceci, même sans pouvoir remplir les cases correspondant à la définition "inflammation du prépuce"). Du coup, j'ai nourri mon imprimante en une fraction de seconde, refermé mes boites à souvenirs, jetés mes bouquins de manière désordonnée dans la bibliothèque et branché l'Ancêtre sur le secteur.

Résigné, j'ai rangé le livre de cuisine et j'ai saisi mon iPad.


Parce que, après tout, j'ai peut-être pas d'iPhone... mais moi, j'ai un iPad.
Et toc!