dimanche 22 mars 2009

L’ironie des cendres

La vie a parfois un humour étrangement dérangeant. Avant de vous raconter cette histoire, je désire prévenir les âmes sensibles que ce récit fait preuve d’un certain humour noir, voire, d’un humour noir certain…

Dimanche dernier, notre amie Sophie jouait enfin devant un public, un vrai, avec des gens, cette fameuse pièce de théâtre intitulée « Tout bascule » et sans laquelle l’homme blague ne serait pas sorti de l’anonymat. Le pitch ? Un directeur de publicité apprend que sa maîtresse est décédée et que son meilleur client le quitte, le jour même de son mariage pas très sincère avec sa femme enceinte. Quand on sait que la maîtresse en question n’est que faussement morte et qu’elle envoi son frère, une urne funéraire à la main, pour se jouer de l’époux malhonnête, l’histoire prend un tournant définitivement drôle.

Seulement voilà, cette histoire d’urne prend une dimension drolesque relativement importante. Les cendres s’éparpillent et finissent aspirées dans un Braun Turbo 3000 puis dispersées sur le lit du marié à la demande expresse de la fausse-défunte. Imaginant les calambours adorables entre les cendres, la sandre du buffet et les marches à descendre, vous imaginerez sans peine le leitmotiv du premier acte de la pièce.

Mais voilà, dans la salle, il y a Maurice (Oui, je l’appellerai Maurice !). Dès le début de la pièce, après quelques rebondissements à peine, il court en pleures vers le bar où, attablé, il affiche sa mine déconfite et ses larmes d’alligator. Un jeune homme vient lui tenir compagnie, la main sur l’épaule, la mine transie. Derrière le bar, il y a Régis (qui s’appelle vraiment Régis), mi-surpris, mi-inquiet, mi-décontenancé (Régis est un homme très complet). On lui a pourtant dit que la pièce était drôle, ce qu’il avait cru jusqu’ici. Le jeune homme quitte Maurice quelques instants, devant le regard interrogateur de Régis, et s’approche, manifestement ennuyé. Régis de demander :
- Tout va bien monsieur ?
- Heu…c’est parce que sa femme est décédée il y a 2 semaines…et…elle a été…incinérée…
- Ho…

Face à la rocambolesque situation, Régis a du mal à retenir un petit pouffement nerveux dans la lignée du « c’est quand même pas de bol ». Il hausse les épaules et crispe les lèvres : « Ah c’est balot ! ». Le jeune homme, contrit, porte un regard désolé à son ami.

Soudain, comme si l’incongru ne suffisait pas, on entend la voix d’un homme dire à sa petite fille : « Vite, vite, va dans la salle, Chantal va entrer en scène ! ». Phrase anodine qui, contre toute attente, provoque un nouveau torrent de larmes encore plus spongieux (y voir de gros « snif ! » tremblotant). Régis arrête d’essuyer ses verres et lance, de nouveau, un regard interrogateur à son interlocuteur qui, un peu gêné, se voit obligé de chuchoter, un peu crispé : « Ben oui, elle…elle s’appelait Chantal… ».

L’histoire ne dit pas si Régis à plongé la tête dans le frigo, entre les sandwiches au jambon et la tarte au sucre, pour y soupirer toute l’ironie des cendres de ce pauvre bougre.
Comme quoi, il n’est pas rare que parfois, tout bascule…




1 commentaire:

  1. Han, John, ce "Régis" me nargue. J'ai envie de le dire. Gni !

    L'histoire est aussi savoureuse qu'à l'oral !

    RépondreSupprimer