Un rayon de soleil dans une journée grise. Je marche, soucieux de tout, et soudain sur un carré d’herbe déjà verte, un petit garçon, 5 ou 6 ans à peine. Il sert dans les mains un cylindre de plastique coloré duquel il tire l’élixir magique, créateur de bulles de savon. Inconsciemment, je ralentis ma route. Je remarque sa maman assise sur un banc, quelques mètres plus loin, le sourire aux lèvres. Je ralentis encore pour mieux l’observer…
Le petit homme souffle avec délicatesse et regarde quelques bulles s’envoler. Mais bien vite, il ferme les yeux, comme pour se concentrer. Il plisse le front, sert les poings. Quelques secondes. Puis, il regarde le ciel, émerveillé, heureux. Je souris de plus belle en le fixant malgré moi. Soudain, il croise mon regard. Il m’interpelle et je ne résiste pas à m’arrêter.
-T’as vu monsieur ? Elles sont belles mes bulles !
-Ah ça oui, drôlement belles.
Comme pour mieux prouver son affirmation, il lance quelques bulles dans l’air et ferme de nouveau les yeux. Quand il les rouvre, il tourne la tête vers moi, comme contrarié.
-Mais t’as pas fermé les yeux !
-Ah ben non, sinon je ne vois pas les bulles.
Et là, de m’expliquer :
-Ah non ! Tu peux les regarder vite mais après tu dois fermer les yeux. Sinon, la bulle elle éclate !
-Ah ? Et si on ferme les yeux ?
-Alors la bulle, elle peut s’envoler tout en haut dans le ciel et puis elle n’éclate jamais. Et si tu regardes bien tout là haut, tu verras les bulles des gens.
Mon petit cœur s’est serré d’attendrissement. Il m’expliquait sa technique avec force et sagesse. Je ne savais pas quoi dire devant si belle réflexion. Le bonhomme s’est approché de moi, prêt pour une démonstration. «Regarde monsieur!», prononce-t-il en soufflant avec douceur au travers du cercle coloré. «Tu vois, si on les regarde, pouf, elles meurent!». Je plie les genoux pour être à sa hauteur et remarque le petit rire de sa maman, amusée. « Maintenant, tu vas fermer les yeux avec moi, d’accord ? ». Je me prends au jeu et à peine a-t-il donné naissance aux sphères luisantes, je ferme les yeux, plein d’étoiles dans la tête, jusqu’à l’entendre me dire : «Regarde!». Les yeux au ciel, il me pointe les nuages en s’exclamant : «Elles sont là-bas! Elles sont là-bas!». J’ai jeté mon regard vers là-haut et ne me suis jamais senti aussi proche des bulles de rêve.
Alors que je me relevais, il me dit : «Tu sais monsieur, un jour, j’expliquerai aux bulles qu’elles ne doivent pas avoir peur et qu’elles peuvent rester avec nous et on pourra les regarder voler pour tout le temps». J’ai ébouriffé ses cheveux de ma main. Mes yeux étaient brillants de ces quelques secondes insensées. J’ai lancé, en m’éloignant, un timide «merci bonhomme !». Et lui de me répondre en haussant les épaules, comme d’une évidence singulière : «Ben de rien, monsieur!».
J’ai rencontré un rêveur. Un vrai. Et maintenant je sais comment faire vivre les bulles de savon «pour tout le temps».
La vie est belle, qu’on se le dise...
![](https://blogger.googleusercontent.com/img/b/R29vZ2xl/AVvXsEhxMa9cAHoQ1j4Sypkjndx7Og8UFdpAKK3c8KNk88ee5VTDvIXB_xEY1iAF9_jvje-atsI1UaCN96sWeZMEGkqzLVTAjzeBVH-XW50LG1qgKwuHRWhQ-pJepuVLYjDid2GX26gp6qDVjKdV/s320/FotoliaComp_3373394_qzs2Y4asXz9J6GY5S7UeopLeI67Hwj.jpeg)
Han, c'est joli ! :-)
RépondreSupprimerJ'aime cette faculté qu'ont les enfants à s'adresser aux adultes sans encore avoir la peur du jugement.
Qu'il profite de son innocence le plus longtemps possible ...
...
(Moi, hier, un gamin m'a pincé les fesses dans les Bastions ... c'est tout de suite moins poétique).
Ca n'arrive qu'à toi, ce genre de choses...
RépondreSupprimerJe t'envie :)
Et j'espère que ce genre de choses m'arrivera encore bien souvent...
RépondreSupprimer