Le régime illustré. |
Le démarrage en côte est une épreuve dangereuse quand on commence à conduire. On stresse, on doit coordonner des gestes techniques, on a toutes les chances de caler… et avec du bol, on démonte le pare-choc de la voiture de derrière. Pour le peu qu’on soit un peu fragilisé (par exemple parce qu’on vient de regarder le JT de 19 heures), on se dit que la conduite c’est finalement très surfait et que le vélo, c’est bon pour les cuisses.
Les deux premiers jours de mon régime, c’était un peu comme un démarrage en côte : un accueil petit déjeuner au boulot avec des petits pains au chocolat et des croissants (bizarrement, ça ressemble aux meilleures viennoiseries sur terre), deux restaurants, des marchands de glaces à tous les coins de rue et une période professionnelle tellement stressante qu’on en avalerait des paquets de M & M’s à l’entonnoir. Bref, toutes les chances de se planter et de s’abandonner au stupre de la bouffe.
Les premiers jours d’une telle opération, on a la détermination d’un lion. On considère les croissants avec dédain en se jetant compulsivement sur le café pour en oublier l’odeur délicieuse. Après tout, ce matin, on s’est déjà empiffré d’une tranche de pain grillé avec une cuillère à café de confiture light. (Youpi. Double salto). Qui aurait besoin d’ingérer ces amas croustillants de sucre et de graisse ? Pas moi. Hum.
Au restaurant, on est plein d’espoir et d’illusions. On commande un coca zéro pour l’apéro (et on passe pour un gros nase auprès de ses collègues, mais bon, ils ne peuvent pas comprendre). On attrape la carte et on se dit qu’il y aura forcément quelque chose qui ne sera pas trop subversif. Ces plats sur lesquels, habituellement, on jette toujours un regard miséreux en se disant : « venir au restaurant pour bouffer ça… Pfff ! ». On parcourt alors la liste évocatrice de féculents, de sauces, de morceaux de viande grasse, d’explosions de sucre malfaisant. Sueurs froides. Je ne vais pas craquer à peine cinq heures après le démarrage. Après une minutieuse opération de sélection, je commande un tartare de saumon. Le tartare de saumon c’est très consensuel : c’est du poisson, des oméga 3, et ça sonne comme quelque chose de léger. Quand la planchette arrive, on est presque fier. Il y a même des radis, symbole par excellence du régime réussi. La pression était presque retombée quand cet imbécile de serveur amène un plein bol de petites patates grenailles rissolées au romarin et à l'huile d’olive. On est pris d’une fugace envie de lui défoncer le crâne avec la salière. Et puis, on prend son courage à deux mains et on repousse légèrement le bol de pommes de terre comme pour mieux établir que l’on n’y touchera pas. Une fois l’épreuve terminée, on se replonge rapidement dans son boulot pour ne pas trop envisager le manque du petit sucré en fin de repas. On se sent fier et on ignore la frustration (« t’aurais pas un Tic Tac ? Allez, c’est seulement 2 calories ! »).
Mais le restaurant n’est pas la seule tentation. Quand les journées passent à la vitesse de la lumière et que les rendez-vous s’enchaînent à 20 à la douzaine, le repas du midi est un véritable challenge. Parce que, bien sûr, je n’ai pas eu le temps de préparer mon petit pique-nique léger du midi. Ce qui importe peu puisque, de toute façon, je n’ai pas eu le temps de faire des courses en mode « j’arrête de bouffer du saucisson et de la salade de thon », qu’il n’y a dans mon réfrigérateur que du saucisson et de la salade de thon et que je me suis levé beaucoup trop tard pour imaginer une solution de repli. Bref, je termine au supermarché du coin, stressé par l’overdose de nourriture qui vient heurter mes sens. Pour éviter de se retrouver assis au milieu du rayon chips, tremblant, à se balancer d’avant en arrière en récitants par ordre alphabétique les goûts des Crocky, il faut être efficace et rapide. 1 paquet de filet de poulet, 1 tomate, un paquet de carottes râpées. Il faut filer dans les allées tel un Indiana Jones, comme si le magasin allait s’effondrer ou que des pierres (qui roulent et n’amassent pas mousse) allaient débouler depuis le coin boucherie. Une fois extirpé de ce lieu de tous les dangers, on finit par se poser devant son fabuleux festin. On se sent la détermination d’une taupe neurasthénique et on croque dans cette bête tomate avec dépit. La journée finira bien par se terminer.
Après ces deux premiers jours, j’ai résisté à : un tiramisu aux fraises, une salade périgourdine, un vol au vent, des chips au paprika et du chablis. Par contre, j’ai craqué... 8 frites goguenardes ont terminé au fond de mon gosier. J’avoue, ma honte était très limitée et mon sommeil est resté intact.
La chaleur caniculaire qui s’annonce est mon amie. Puisse-t-elle favoriser mes envies de concombres frais, de poulet grillé et d’eau fraîche. (Le premier qui parle de barbecue, je lui explose les rotules à coups de ventilateurs. Je le fais. Je vous promets, je le fais.).
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