vendredi 12 octobre 2012

Chroniques plaintives d'un homme sans son iPhone. Jour 2 : Les moqueurs.

De tout temps et à tous les âges, il a toujours existé des gens pour se moquer ouvertement du malheur d'autrui: de ceux qui tombent en se prenant les pieds, de ceux dont la langue fourche, de ceux qui disent une bêtise par inadvertance et, aussi, de ceux qui doivent renvoyer leur iPhone en réparation à l'usine pendant trois semaines. La terre est peuplée de nombreux mécréants...

Ainsi, si beaucoup de mes amis proches compatissent à ma douleur avec franchise (Hum!), sincérité (Hum! Hum!) et considération (Mouarf!), d'autres semblent s'enivrer d'un étrange plaisir à la torture. C'est ainsi que ce matin, mon adorée collègue (dont je ne citerai pas le nom afin d'éviter que sa façade ne soit recouverte d’œufs pourris par les sympathisants à ma cause) n'a pas manqué, dès mon arrivée, de coller son iPhone contre son oreille en entonnant bien fort: "Ouais ouais, franchement c'est vraiment génial d'avoir un iPhone, c'est top ouais". Pourquoi tant de cruauté? Non satisfaite de sa magistrale entrée, elle a posé le Graal à quelques dizaines de centimètres de moi et l'a laissé sonner, vibrer, s'illuminer, chanter la Marseillaise et me narguer de son écran tactile toute la journée! De mon côté, l'Ancêtre a tenté la concurrence avec quelques ronronnements somme toute assez bruts, grossiers et décapants, sans parvenir à les faire sourciller (ni ma collègue, ni l'iPhone).

Ce soir, alors que je m'apprêtais à me changer les idées et à retrouver des amis, laissant derrière moi la douleur de l'absence, je ne me doutais pas qu'un bourreau sanguinaire aiguisait sa hache mortifère. En effet: à peine entré dans le bar, celui qu'on appellera Guillaume (puisque c'est son nom), sorti de sa poche son iPhone et d'un sourire dégoulinant de suffisance, l'agita sous mes yeux. Pris d'un sursaut de colère (il faut savoir que j'avais très faim et que je venais d'apprendre que le bar ne servait pas de nourriture et que Demis Roussos allait probablement mettre un terme à sa carrière), je lui ai proposé de manière très urbaine de lui placer son iPhone dans une partie de son anatomie savamment choisie afin que le mode vibreur puisse lui procurer des sensations jusque là inédites. Ma menace ne l'a pas pour autant arrêté dans son élan (l'histoire ne dit pas cependant s'il s'agissait là d'un acte d'une inconsciente témérité ou d'un désir enfoui de connaître ces sensations inédites que je venais de lui évoquer). Une kyrielle de petits mots assassins s'en sont suivis, montrant du doigt mon retour à l'âge de pierre, et ceci alors qu'autour de la table, les pommes argentées des autres conviés scintillaient sous les spots de l'établissement. 

Guillaume, magnanime (Guillaume peut consulter la définition de ce mot en utilisant le site Wikipédia), m'a néanmoins mis son engin entre les mains (!), quelques minutes seulement, histoire de provoquer un lâcher d'endorphine, un apaisement temporaire de mon corps tout entier. L'objet entre les mains, pris au dépourvu, je me suis contenté de rechercher l'origine de l'expression "Chat échaudé craint l'eau froide" ainsi que sa signification exacte. J'étais quelques peu rassuré sur le fait que l'on échaude rarement les chats (sauf lors de certains rituels vaudous mais là, c'est pas pareil) mais surtout, rassasié pour quelques temps de la douce sensation des doigts qui glissent sur l'écran...

Il me manque...

Et demain est un autre jour.
Un autre jour sans mon iPhone.   

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