Me priver de mon iPhone, c'est un peu comme me réveiller d'un long coma provoqué par une ingestion massive des chansons d'Orelsan: c'est un choc émotionnel intense qui laisse inévitablement des séquelles dans les zones cérébrales les plus fragiles. Mon iPhone me sert de boussole. Il retient les adresses de la plupart des lieux où je dois me rendre afin que mon cerveau puisse se libérer de la douloureuse tâche de mémorisation et garder ses forces pour, par exemple, retenir la plupart des dialogues de la série Friends ou les noms des 7 nains (sauf que l'on en retrouve jamais que 6. Essayez, vous verrez!). Bref, garder mes forces pour l'essentiel et utiliser la machine pour l'accessoire.
Le 9ème jour, ma journée a commencé par une réunion à Louvain-la-Neuve. J'ai dû démarrer de chez moi à l'aube (9h du matin, quoi...), ce qui me rendait déjà suffisamment irritable. Je pars donc, confiant et déterminé, vers ma destination. Sauf que voilà, je ne suis plus très sûr de me souvenir de la route qui me conduit vers "mon parking". Il faut savoir que j'associe Louvain-la-Neuve à une sorte de cité romaine qui aurait été revue et corrigée par Martin Scorsese afin d'y tourner un remake du mythe de Thésée mais sans Ariane et sa machine à coudre! Un abominable dédale. Histoire de ne pas devoir compter sur mon sens de l'orientation, comparable à celui d'un ornithorynque (ou d'une poule, parce que, elle non plus n'a pas vraiment le sens de l'orientation mais j'avais vraiment envie de placer le mot "ornithorynque"), je me suis confectionné un petit parcours qu'il est impératif de ne pas modifier. Sous aucun prétexte. Ce qui inclut le fait de ne pas changer de parking, "mon parking". Jamais...
Sans iPhone, je ne peux pas vérifier le nom du parking! Je me dirige donc dans une mauvaise direction, suivant un GPS dont la fiabilité est hautement critiquable et dont la voix ressemble à celle de Sophie Marceau (dont la fiabilité est également hautement critiquable). Comprenant qu'il s'agit là du début d'un mauvais cauchemar, je sors l'Ancêtre pour prévenir ma collègue que, perdu dans la ville, j'aurai probablement du retard. Je tape mon message SMS, circulant fébrilement dans les petites rues, en utilisant le T9 (voir Chronique du Jour 5) qui me propose "L'ausch to rdv ff revart smssy". Complètement dépité, j'envoie le message avec la profonde conviction que l'iPhone de ma collègue parviendra bien à comprendre mon désarroi et à en faire une fidèle traduction (ou pas...). Fatigué de passer pour la 3ème fois devant un étudiant calotté qui vomit (manifestement avec une impressionnante productivité), je m'installe dans le premier parking qui passe. A la grâce de Dieu!
Je m'engouffre alors dans la cité estudiantine, sans pouvoir lancer l'application "Plan" sur mon iPhone (puisque je n'ai pas d'iPhone... au cas où certains n'auraient pas encore tout à fait capté le concept). J'effectue alors quelques trajets erratiques dans l'une ou l'autre direction, essayant de garder ma contenance mais définitivement incapable de me repérer. J'augmente alors mon quota de moments de solitude en abordant une étudiante. Je lui indique que je dois me rendre dans le bâtiment principal de l'Université de Louvain mais que je ne me souviens plus du nom de la place (qui se trouve dans mon iPhone qui... mais j'évite ce passage malheureux de mon existence, la pauvre doit déjà me trouver suffisamment pathétique). Son grand sourire précède un signe de la main accompagné de la phrase: "Place de l'Université... C'est par là, monsieur". Je prends alors conscience de deux réalités stupéfiantes: d'abord, mon cerveau est incapable de cristalliser le lien entre "Université" et "Place de l'Université"; ensuite, les étudiants m'appellent désormais Monsieur. Je vis un véritable drame ontologique.
J'arrive enfin face au grand bâtiment... sans me souvenir du nom de la salle où a lieu la réunion! Mais quelle utilité de retenir ce genre de chose quand l'iPhone serait presque tenté de vous y téléporter? J'envoie donc un ultime message à ma collègue, creusant définitivement le fossé de ma honte, pour obtenir le nom de ma destination finale. Ne parvenant pas à régler le conflit existentiel qui semble persister entre le T9 et moi, j'opte pour une rédaction classique et me crée une 3ème ampoule au pouce. Enfin, j'entre dans la salle de réunion avec un retard considérable ce qui ne semble perturber personne et me rappelle que, avec ou sans iPhone, je suis quand même toujours en retard.
Le coup de grâce m'est porté par une adorable collègue au moment où je lui demande: "Tiens, pas de wifi ici?" et qu'elle me répond: "Non mais il y a la 3G donc avec l'iPhone ça va". Non mais qu'est-ce que c'est que ce sectarisme inadmissible! Et les gens qui n'en ont pas d'iPhone, hein? Ils font comment? Ils fabriquent une antenne wifi avec les petites cuillères en plastique et la branche directement sur leur walkman?
J'ai participé à la réunion comme j'ai pu, perdu dans quelques divagations mais sans penser à "l'après". Ce fameux "après" qui impliquait que je sorte sur la fabuleuse place de l'université en me rendant compte que j'allais devoir retrouver le chemin du parking où j'étais garé et que j'allais devoir le faire à l'ancienne, à la dure. Sans indice. Sans carte. Sans boussole.
Sans iPhone.
samedi 20 octobre 2012
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