lundi 22 octobre 2012

Chroniques plaintives d'un homme sans son iPhone. Jour 11 : La résignation

Et samedi, il se résigna. 

J'avais décidé que ce jour, j'ôterais ma grande coquille de Caliméro et je regarderais loin vers l'horizon, tel un chef viking... heu non... tel un centurion... heu non plus... tel un technophile en puissance (c'est tout de suite plus réaliste) privé de ses armes essentielles mais néanmoins décidé à conquérir le monde. Et si j'en fais un peu trop, c'est bien pour récupérer un peu de cette belle assurance que mon iPhone a manifestement emporté avec lui.

C'est ainsi que je réapprends les choses simples de la vie. Chercher l'adresse d'un magasin en utilisant www.pagesdor.be et Mappy, directement sur un vrai écran d'ordinateur et obtenir ses heures d'ouverture en utilisant un navigateur web. Appeler le 1307 (et claquer 1 euro) pour avoir le numéro de téléphone d'un restaurant et y réserver une table (sans connaître l'avis des utilisateurs et la note sur resto.be). Avoir envie de faire un check Foursquare quand on arrive au Carrefour et se rendre compte que c'est quand même franchement inutile (et se dire ensuite que, de toute façon, on pourra encore le faire plus tard). 


Autre expérience intéressante: cuisiner en utilisant un livre de cuisine. Une sensation extraordinaire! Le chercher dans la bibliothèque, feuilleter les pages et y retrouver de vieilles traces de sauce soja séchée, se perdre dans l'index pour trouver sa recette, adapter les quantités avec une calculatrice que l'on n'avait plus sortie du tiroir depuis des lustres (en se félicitant d'avoir choisi un modèle "solaire").
 

Ensuite, on y trouve un mot qu'on ne comprend pas, alors on va dans sa grande bibliothèque chercher un bon gros Robert (n'y voyez aucune allusion graveleuse) et on commence à tourner fébrilement les pages en appliquant, sans même s'en rendre compte, la technique de la dichotomie. Du coup, on tombe sur d'autres mots que l'on a envie de découvrir. Par exemple "pochon" qui est une grande louche, "poïkilotherme" qui désigne des animaux dont le sang a une température variable, ou encore "posthite" qui n'est pas du tout un carré de papier jaune à coller sur les réfrigérateurs mais une inflammation du prépuce (Outch! Ca fait mal! Celui-là, je ne suis pas très sûr que j'avais envie de le connaître).

C'est alors que l'on se rend compte que la bibliothèque est vraiment mal rangée. On commence donc à enlever les livres et à les trier par auteurs, par genres, par ordre alphabétique. Dans un moment de faiblesse, je me dis que cette application qui scanne les codes barres des livres et les répertorie automatiquement dans une base de données pourrait s'avérer très utile. Je me reprends en quelques secondes et continue mon tri pour tomber sur un ancien livre de mots fléchés. La moitié des bouquins sur le sol, je me dis que je pourrais peut-être faire une pause cérébrale en remplissant quelques cases. C'est alors que je me rends compte que les mots fléchés sans l'application "Mots Fléchés" (tous les développeurs n'ont pas un sens de la créativité ultra développé en ce qui concerne le choix des noms de leurs applications), c'est beaucoup moins drôle. C'est alors que je réalise que cela fait longtemps que je n'ai plus fait de Sudoku...

Je pars donc à la recherche d'un livre de Soduku, une probable relique qui aurait pu survivre à mes nombreux rangements par le vide (une sorte d'exutoire existentiel qui date de l'époque préhistorique où je n'étais pas équipé d'un iPhone). J'en viens à ouvrir mes boites à souvenirs, juste au cas où, et à détailler plusieurs objets porteurs de souvenirs divers, parfois plus légers, parfois très intenses. M'arrive notamment entre les mains, une page de partition musicale dont il me prend l'envie de retrouver les tonalités. Je laisse mes boites en plan et repars vers ma bibliothèque pour m'asseoir au piano et me délier les doigts. Au fil des minutes (alors que je vois les piles de livres s'effondrer à côté de moi), il me prend l'envie de jouer "True Colors" (je sais, ça n'a pas vraiment d'importance mais j'accorde une attention particulière à relater les faits avec une certaine justesse. Ou pas.) dont je n'ai pas la partition.

Je me dirige alors vers mon ordinateur pour trouver sur la toile une tablature. En vérifiant l'imprimante, je me rends compte qu'il faut changer la cartouche cyan. Ce qui est incroyable avec les imprimantes, c'est qu'on ne les utilise presque jamais et c'est toujours au moment où l'on en a besoin qu'une cartouche est vide (je vous vois sourire!). Je me lance donc dans le remplacement de la cartouche lorsque mon Ancêtre toussote quelques vibrations qui m'annoncent un appel. Le numéro qui s'affiche m'est inconnu et donc, je ne décroche pas. En fait, ce numéro ne m'est pas du tout inconnu: il est juste enregistré dans le répertoire de mon iPhone mais pas dans celui de l'Ancêtre. Je ne suis donc pas conscient qu'il s'agit d'un client qui souhaite me rappeler l'échéance d'un projet, elle aussi encodée de le calendrier de celui qu'on ne nomme plus. 


2h15 se sont écoulées depuis que j'ai voulu commencer à cuisiner. Il n'y a pas le moindre ingrédient de prêt, ma bibliothèque est sans dessus ni dessous, mes souvenirs jonchent le sol du bureau, mon imprimante est éventrée, en attente d'une transplantation de cartouche et mon Ancêtre expire sa dernière barre de batterie.

Et là, quand même, je me dis que si j'avais eu un iPhone, j'aurais tapé sur Youtube "Recette sushis", j'aurais regardé une vidéo de 7 minutes et plus que probablement terminé de trancher mon poisson cru. Un rappel m'aurait signifié mon échéance et j'aurais pu me mettre au boulot sans attendre et peut-être même, ensuite, exploser mon score à "Mots Fléchés" (et ceci, même sans pouvoir remplir les cases correspondant à la définition "inflammation du prépuce"). Du coup, j'ai nourri mon imprimante en une fraction de seconde, refermé mes boites à souvenirs, jetés mes bouquins de manière désordonnée dans la bibliothèque et branché l'Ancêtre sur le secteur.

Résigné, j'ai rangé le livre de cuisine et j'ai saisi mon iPad.


Parce que, après tout, j'ai peut-être pas d'iPhone... mais moi, j'ai un iPad.
Et toc!

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