S'il y a bien une chose que l'on oublie lorsque l'on a un iPhone, c'est l'ennui. Impossible de s'ennuyer avec cette petite machine. Moi, ça faisait presque un an que je ne m'étais plus ennuyé: à la caisse d'un grand magasin, dans la salle d'attente d'un médecin, dans les embouteillages, dans la file pour prendre son sandwich, etc. C'est extrêmement bizarre mais quand on a un iPhone, on a toujours quelque chose à y faire pour passer le temps.
D'abord, on a toute la volée des médias sociaux!
Pour commencer, on regarde sur Facebook si le bébé de Madame XYZ a bien rempli sa couche, si son ex n'a pas l'air trop heureux ou si la photo du chaton déguisé en Bécassine que l'on a partagé (paraît que maintenant on dit "sharé") a remporté plus de 22 likes (le record obtenu avec la photo du gars qui montre ses fesses à la remise des diplômes). Le must, c'est évidemment de mettre à jour son statut : "Dans la file pour prendre son sandwich".
Ensuite, on lance Foursquare. On découvre que "Mathieu C." (qu'on ne connait bien sûr absolument pas) vient de devenir "Mayor" de la sandwicherie à sa place. On commence donc à détester Mathieu C. (qu'on ne connait toujours pas) et on effectue un petit "check-in" vite fait à "Perlin-pain-pain" avec un joli commentaire "Mathieu C. je vais te détrôner et tu vas ronger le bitume avec tes molaires".
Continuant sur la lancée, on trouve quand-même que l'étalage de charcuteries et de salades en tous genres est quand même vachement sympa. Du coup, on prend son Instagram, on cadre au format carré en jurant pieusement (parce que le format carré, c'est quand même pas toujours facile à gérer), on applique un petit effet qui donne l'impression qu'on a pris la photo en 1924 (époque à laquelle il n'y avait probablement pas d'escalopes panées à la mozzarella dans les sandwicheries... ni d'iPhone, d'ailleurs) et on publie gaiment. On ne sait pas pourquoi on le fait mais ça passe le temps.
Si on a Twitter, on ne se privera pas de se faire un petit 140 caractères: "Trop longue la file à la sandwicherie pfff #VDM #jattendsalasandwicherie".
Ensuite, on a tous les médias dit "accessoires". Par exemple, la météo. On regardera de préférence la météo qu'il fait à l'instant même, à l'endroit où l'on se trouve, juste au cas où ça aurait changé depuis le moment où l'on est entré dans la sandwicherie. On lancera l'application "Bourse" (en général parce que l'icône de l'app est trop proche de celle de la météo), puis 7sur7, éventuellement Lesoir.be. On regardera ensuite ce qu'il y a à la télé le soir même (sachant que vous ne serez de toute façon pas chez vous mais c'est pas grave, c'est juste pour savoir). On peut se faire la liste des sorties cinéma et même une petite blague au passage.
Enfin, si vous avez devant vous la délégation diplomatique de la Gambie qui commande un stock de sandwiches pour survivre durant 3 jours, vous allez inévitablement passer aux jeux... mais ça, c'est encore un autre monde qu'on ne manquera pas d'aborder plus tard.
Mais alors, quand on n'a pas d'iPhone et qu'on est dans la file pour prendre son sandwich, qu'est-ce qu'on fait? Hé bien moi, maintenant, je sais!
On commence par compter le nombre de personnes qui sont devant soi, en prenant soin d'identifier celle qui est la dernière arrivée, histoire de ne pas laisser un galapiat piquer sa place. On regarde les cartes postales sur le présentoir, on en prend une de chaque et on se demande pourquoi on les a prises et ce que l'on va bien pouvoir en faire mais il est trop tard, on n'ose plus les remettre. On écoute une conversation qui parle de politique et que l'on trouve inintéressante. Du coup, pour rendre ça drôle, on imagine les personnes qui parlent habillées en Batman et Robin et on rit comme un con. On compte le nombre de carrelages au sol (avec une estimation des zones non-visibles), le nombre de sandwiches à la carte, le nombre de salades, le nombre de fois que le mot "crudités" est prononcé. On se demande comment ces filles sont arrivées à ouvrir une sandwicherie. On se laisse aller et on se demande si on ne ferait pas mieux de quitter son job, de partir au Pakistan et d'ouvrir une sandwicherie près de l'université de Peshawar pour y vendre des faluches au poulet tandoori et des baguettes au sésame garnies de poulpe tikka massala. On se dit qu'on serait heureux, simplement. Que l'on ferait sourire des gens qui n'ont pas d'iPhone et qui patienteraient dans la file en se demandant s'ils n'ouvriraient pas, eux aussi, une sandwicherie dans un petit coin de la planète. La vie serait belle et personne n'aurait besoin d'un iPhone... et puis... c'était mon tour. Alors j'ai demandé un poulet mayo crudités, j'ai ajouté 1 à mon compteur du mot "crudités" et je suis retourné bosser à mon bureau.
Et je me suis demandé à combien de kilomètres se trouvait le Pakistan.
Et j'ai pas pu vérifier.
Parce que j'avais pas d'iPhone.
Voilà.
lundi 15 octobre 2012
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